dimanche 29 mai 2011

Opéra de Lille – 2 avril 2011 – Lumière d’en haut, lumière d’en bas…

Je me suis couché un peu plus cultivé ce soir. Je me suis couché avec une approche d’un monde que je ne connaissais alors pas, celui de l’opéra. Non pas que je n’ai jamais consulté un calendrier d’une saison d’opérettes. Non pas non plus que je n’ai jamais photographié un de ces monuments. Ce soir, c’était différent, j’y ai passé le pas de la porte…

Sandrine PIAU. Très bien mais qui est ce ? Je ne le savais pas non plus jusqu’ à son entrée en scène, et bientôt son positionnement au centre de l’estrade, main droite en retrait posée sur le piano à queue. Ce soir, c’est solo ! Robe rouge de gala, comme un coquelicot dans un écrin doré du début XXème. On ouvrirait le théâtre par son toit et la boite à musique se mettrait à jouer.

Mais ça n’est pas le cas, le couvercle est bel et bien fermé. Pas de lumière naturelle pour venir éclairer cette voix. S’enchaînent pourtant les poèmes allemands, français, anglais qui donnent autant de rythmiques différentes que les vers sont cités. Tantôt un mouvement lent du bras accompagne la consonance anglaise. Tantôt encore, un mouvement vif de la main entraîne des propos déballés. Tantôt toujours, un air tragique fait lever les yeux au plafond où se déposent aussi ceux des auditeurs.

Et c’est à cet instant que tout se comprend… La symétrie se dévoile, apparaît évidente. L’actrice cherche son alter-égo, dans ses paroles certes, mais aussi dans le décor. Et elle le trouve.

Lui est symbolisé par la dernière ampoule du magnifique lustre à pampilles !! Cet être recherché est là à une quinzaine de mètres du sol. Une horde de ses semblables est à ses trousses. Un peu comme l’assemblée des spectateurs observant les moindres faits et gestes de la cantatrice.

Tous tournés vers ces individus, à terre comme au plafond. Et pourtant, le couple s’extirpe. Ils sont deux âmes dans des mondes séparés et se mêlent, se retrouvent par leur jeu d’acteurs principaux. En bas, la voix qui dresse son chemin. En haut, la brillance qui répond et retourne la lumière.

L’une est seule sur scène et attire toutes les scrutations. L’autre est poursuivie mais s’échappe nettement. Il s’agit pourtant d’une incandescence comme ses sœurs. Comment parvient-elle à se dégager, à être aussi intense que les autres massées ?

C’est à ce moment qu’il y a unisson entre l’artiste et le lieu. Nous sommes dans la sollicitation des sens, de l’esprit…D’un souffle posé, précis qui vous tient en hâte. D’une atmosphère mondaine semblant élever les tensions. Fallait-il le comprendre comme cela ?


jeudi 5 mai 2011

Paris Ligne 4 – Mercredi 26 janvier 2011 – Une lueur dans le sous-sol

Que dire de cette ligne du métropolitain parisien ? Que son segment entre Gare du Nord et Montparnasse Bienvenüe, je le connais par cœur ? Qu’il suffit de citer le nom d’une station pour que je la dessine yeux fermés ? Le métro parisien ne m’a jamais fait peur. Je ne m’y suis jamais senti oppressé et pour cause, je le prends pour un théâtre !

Et ce soir, c’était encore un peu plus vrai. Assez las en général d’entendre plus que d’écouter les accordéonistes déambulant de la valse russe. J’apprécie néanmoins ces moments en dévisageant chaque voyageur, sa manière de réagir, sa perception de la chose. A chaque individu son caractère, il n’y a pas plus vrai dans pareille situation. Pas un acteur ne joue de la même manière que son voisin. Lister les comportements serait trop long. C’est une pièce offerte. Certains jeux sont stressés, d’autres dépités, d’autres songeurs, d’autres encore admiratifs, d’autres…non concernés.

Mais revenons-en à ce soir. C’était particulier ! La pièce a cette fois-ci rassemblé les individualités. Une pièce collective où pour une fois la grande majorité des acteurs du moment semblait s’être passé le mot. Rien de telle qu’une chanteuse andalouse ? Serait-ce donc ça le secret du sourire du métro parisien. Certes les usagers n’en étaient pas à fredonner les paroles – encore aurait il fallu les connaître – mais une certaine connivence se dégageait. Pour ma part, il est vrai que le moment fut doublement agréable. Le chant était juste et entraînant et la foule conquise se retrouvait sur mon visage souriant.

Une vraie danseuse de flamenco, enfin, une flamenco de métro. Pas de talonnettes, juste des semelles plates de caoutchouc. Pas non plus de frou-frou sur une robe rouge et noir, simplement un jean bleu des plus banals. Ce n’était pas pour autant peine perdue, cheveux long et noirs ainsi que rouge à lèvre vif étaient présents. Mais surtout, il y avait cette voix, ce timbre ibérique, ces ‘r’ roulés, ce ton direct, franc et haut. L’ambiance du métro est souvent silencieuse et c’était le cas là aussi. A la différence près que le rythme du voyage était donné par le flux des paroles accentuées, plus que par celui des roulements métalliques sur les rails. Les regards qui se croisaient pendant ces quelques minutes cherchaient alors le rictus complice plus que celui de la moquerie habituelle.
Ce n’était biensûr pas un a capella, il y avait une bande magnétique qui tournait en fond sonore. Rajoutez cela au court métrage que vous imaginez et les strapontins du wagon seront bel et bien ceux d’un théâtre…

Et comme, tout bon artiste a droit à son succès, la chansonnette fut suivie d’une autre musique, celle que jouent des pièces de monnaies qui s’entrechoquent dans une bourse.


Tout comme...

mercredi 4 mai 2011

Port de Douvres (GB) – 17 avril 2011 – L’oiseau marin, ce pilote…

Il m’avait déjà été donné l’occasion de voir un scénario similaire, plus grandiose même lors de ma traversée d’une île néo-zélandaise à l’autre. Plus grandiose encore car les côtes terrestres étaient inconnues, que l’oiseau en question était un albatros. Mais dans cette mer plus proche qui a vu grandir mon adolescence sur ses côtes, albatros n’est point, mouettes rieuses et goélands y sont.
Alors, s’il suffit de ne pas aller bien loin pour apprécier le spectacle, ce dernier emporte, évade, aspire à la liberté, à la simplicité.

C’est beau un oiseau marin qui déploie ses ailes et se laisse aller au vent. Un mouvement de plumes et hop (!), c’est un mètre d’altitude de gagner. A peine perceptible, tant le geste est maîtrisé, précis, délicat. Un deuxième mouvement et c’est le corps qui se braque et quelques mètres d’avancée renoncés. Il faut voir comment la tête de l’oiseau ne se préoccupe du reste. Les quatre cinquièmes du corps semblent se contrôler d’eux-mêmes, n’étant là que pour aider les yeux à se focaliser sur la proie convoitée, ou à se perdre dans le défilé houleux.

Bis repetita, Il s’agit d’une totale maîtrise. Encore quelques mètres plus bas, là où extrémités des ailes flirtent avec les sommets des vagues lâchant les embruns. Tantôt bâbord, tantôt tribord, la danse est aussi longue que l’océan infini. A chaque virement, c’est la friction de l’eau évitée. Un vire-volètement réinventé, une nouvelle direction, un nouvel objectif : un regard, un mouvement d’aile.

Agilité et vitesse provoquent en moi un sentiment de jalousie. Pourquoi, ne peut-on faire cela, nous ? Pourquoi ne nous est-il pas possible de se jouer de la mer ? Plus les ailes sont longues et plus les mouvements sont beaux et impressionnants. J’ai beau cherché la ressemblance la plus humaine possible, je ne vois qu’un parachutiste qui serait pris dans son cordage et en chute libre. Bien entendu, ici, il n’y a pas de place au hasard, juste de la perfection. Le goéland n’a pas besoin d’accessoires, juste de ce que la nature a bien voulu lui donner.

Ca doit être bien d’être réincarné en albatros, non ? Je choisis, j’ai voté…

Petite musique d'illustration...